Rénovation énergétique et bâti patrimonial, c’est compatible !
Qu'est-ce que le bâti patrimonial et quelles sont ses spécificités ?
Contexte réglementaire énergétique et architectural et rôle de l'ABF
Comment aborder une rénovation énergétique du bâti patrimonial ? (DTG, accompagnement ALEC, process, ...)
Quelques pistes de solutions basées sur des retours d'expérience
Selon les objectifs de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), l’ensemble des bâtiments du parc immobilier français devra atteindre le niveau « Bâtiment Basse Consommation » d’ici 2050. Dans ce contexte de massification de la rénovation énergétique, il est tout de même important de préserver la qualité architecturale des bâtiments et de se conformer aux différentes lois patrimoniales.
80% du parc bâti de Grand Paris Seine Ouest (GPSO) étant en zone protégée, il convient d’autant plus de prendre en compte les caractéristiques architecturales et patrimoniales des bâtiments dès le début d’un projet de rénovation énergétique.
GPSO Energie vous éclaire sur comment concilier performance énergétique et préservation, voire revalorisation du patrimoine bâti ?
1. Qu’est-ce que le bâti patrimonial et quelles sont ses spécificités ?
Le bâti patrimonial représente les bâtiments protégéspar l’Etat au titre des monuments historiques, de leurs abords ou inclus dans un site patrimonial remarquable par exemple. Cela concerne toute typologie de bâtiment, quelle que soit l’époque de construction. Ces bâtiments sont alors facilement identifiables via l’Atlas des patrimoines, un portail du ministère de la Culture.
Mais le bâti patrimonial peut également représenter les bâtiments ayant une grande valeur architecturale ou ceux liés à l’histoire locale, sans forcément dépendre d’une protection de l’Etat.
Le bâti ancien (ensemble des bâtiments construits avant 1948) est un bon exemple. Souvent composé de matériaux traditionnels tels que la pierre et la terre crue ou de matériaux semi-industriels tels que la brique et la chaux, il représente 33% des bâtiments existants en France.
Les spécificités de chaque type de bâtiment sont importantes à connaitre avant d’entamer un projet de rénovation énergétique. Les bâtiments anciens ont généralement une architecture bioclimatique : les pièces de vie sont au sud, les ouvertures sont limitées au nord et à l’ouest et l’habitat est traversant. De plus, ces bâtiments, souvent construits avec des matériaux lourds et épais, ont une forte inertie thermique, assurant un bon confort d’été. Cependant cette inertie importante et la faible isolation des murs des bâtiments anciens augmentent les effets de paroi froide entrainant un mauvais confort d’hiver pour les occupants. Enfin, la perméabilité à l’air importante des bâtiments anciens entraîne des consommations d’énergie pour le chauffage élevées et des courants d’air inconfortables pour les habitants.
2. Réglementation en secteur protégé
Pour maintenir la qualité patrimoniale et la cohérence urbaine, de nombreux outils réglementaires existent.
La notion de monument historique (MH) apparait pour la première fois en 1819 sur le budget du ministère de l’Intérieur. La loi du 30 mars 1887 pour la conservation des monuments historiques fixe pour la première fois les critères et la procédure de classement. Enfin, la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques complète et améliore les dispositions de la loi du 30 mars 1887, élargissant le champ de protection à la propriété privée sans avoir besoin du consentement du propriétaire.
En 1943, une nouvelle loi considérant qu’un monument est aussi l’impression que procurent ses abords, fait apparaitre la notion des abords des MH, caractérisé par un périmètre de protection de 500m de rayon autour des monuments historiques.
La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP)simplifie les divers dispositifs préexistants par un seul : le site patrimonial remarquable (SPR), un « site dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public ». Ce classement résulte d’une décision du ministre de la Culture, après enquête publique et consultation des communes concernées. Le classement précise le périmètre concerné. Après classement, un SPR doit être doté d’un outil de gestion, soit un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur, soit un Plan de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine. Ces documents permettent d’établir des prescriptions relatives à la qualité architecturale des constructions neuves ou existantes, des règles relatives à la conservation ou la mise en valeur du patrimoine bâti et l’identification des plantations et mobiliers urbains à protéger et à conserver.
La mission de contrôle des Architectes des Bâtiments de France
Pour la préservation des abords de monuments historiques, il convient de distinguer s'il y a une co-visibilité ou pas :
Dans un champ de visibilité, l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) donne un accord, un avis favorable avec des recommandations à respecter ou un refus. Ces dispositions sont valables pour les permis de construire (PC) et les déclarations préalables (DP). L’autorité administrative compétente à délivrer l’autorisation est alors tenue de se conformer à cet avis.
Hors champ de visibilité, l’accord de l’Architecte des Bâtiments de France n’est pas obligatoire, mais ce dernier peut donner un avis simple sur la base d’observations ou de recommandations qui restent à caractère facultatif.
Dans les deux cas, les prescriptions et observations portent uniquement sur les façades et couvertures du bâtiment.
Au titre des SPR, les ABF donnent également un avis conforme sur les PC et DP. Dans ce cas, les avis ne se limitent pas aux extérieurs des bâtiments, les intérieurs peuvent également être concernés par ces prescriptions.
3. Comment aborder une rénovation énergétique du bâti patrimonial ?
Mais comment savoir si votre copropriété est en zone protégée ou concernée par une nécessité de préservation de son architecture patrimoniale ?
Identifiez si le bâtiment a des caractéristiques patrimoniales à préserver et s’il est en secteur protégé.
Contactez le CAUE de votre département pour des conseils gratuits par des architectes.
Consultez l’Atlas des patrimoines pour vérifier si la copropriété est en zone protégée : http://atlas.patrimoines.culture.fr/atlas/trunk/
Avant même de se lancer dans le premier diagnostic (qu’il s’agisse d’un DTG, d’une évaluation ou d’un audit énergétique), contactez votre Espace Conseil France Rénov’ (ECFR), en inscrivant votre copropriété sur la plateforme CoachCopro. Un premier rendez-vous avec un∙e conseiller∙ère France Rénov’ vous sera proposé. Si ce n’est pas déjà fait, contactez aussi le CAUE de votre département pour bénéficier d’un rendez-vous conseil gratuit.
Sélectionnez des professionnels compétents pour établir le diagnostic de votre copropriété. Si votre copropriété a été construite avant les années 50, choisissez un bureau d’étude technique (BET) qui connaît le bâti ancien. Vous pouvez tout à fait vous référer aux fiches de retour d’expérience de la plateforme CoachCopro pour identifier des BET qui sont intervenus sur des projets similaires au votre. Pensez à vous faire accompagner par votre conseiller∙ère France Rénov’ pendant la consultation.
Pendant le DTG, rapprochez-vous des services d’urbanisme et de l’ABF pour un premier contact, afin d’orienter les scénarios de l’audit énergétique en cohérence avec les contraintes architecturales et réglementaires.
Lorsque le DTG est terminé et qu’un scénario a été retenu, la mission de maitrise d’œuvre de conception peut être votée. Là encore, si vous changez de prestataire suite au DTG, consultez les fiches de retour d’expérience et demandez conseil à votre conseiller∙ère France Rénov’.
En phase de conception, il est important d’établir un dialogue entre votre maitre d’œuvre (MOE), les services urbanisme et l’ABF. En phase de MOE, des aller-retours entre équipe de conception et ABF peuvent être à prévoir…
Lors du dépôt de la déclaration préalable, veillez à la complétude du dossier et soigner les pièces graphiques. Un guide du CAUE 92 sera édité fin 2023, il détaillera les éléments indispensables et ceux, facultatifs, qui peuvent appuyer votre dossier.
Si votre demande est acceptée, le chantier peut démarrer. Sinon, vous avez la possibilité de faire passer voter demande en commission du droit des sols, réunissant les ABF, les services d’urbanisme et les élu∙e∙s afin de connaître les motivations du refus. Un scénario pourra être retravaillé suite aux préconisations émises.
Rappel : ABF et urbanistes ne sont pas uniquement garants d’une préservation esthétique ou du respect du PLU(I) mais aussi de la préservation du bâti. Un projet sur du bâti ancien avec l’isolation des parois par des matériaux synthétiques très étanches à la vapeur d’eau ne sera pas validé. Un projet d’isolation sans aborder la ventilation ne sera également pas validé.
-> Ce sont des projets dangereux pour le bâti et ses occupant∙e∙s pouvant endommager la structure en raison d’une mauvaise gestion de l’humidité.
4. Quelques pistes de solutions basées sur des retours d'expérience
En copropriété, la nécessité d’une communication bien menée et la temporalité des prises de décision rend la durée des projets relativement longue. C’est pourquoi il est primordial d’intégrer la dimension architecturale et patrimoniale très tôt dans la conception du projet. Une prise en compte tardive de ces contraintes pourrait faire prendre un retard important au projet et générer des surcoûts non prévus au budget pour répondre aux prescriptions.
Comme nous le confiait Monsieur Satre-Buisson, président du conseil syndical d’une copropriété meudonnaise :
« Notre projet d’ITE n’a pas pu être réalisé aussi vite que prévu car nous partagions un mur mitoyen avec le voisin : l’isolation allait créer un empiètement sur ce mur. Le projet a donc été refusé par le service urbanisme de notre ville, qui exigeait qu’une convention d’empiètement soit signée devant notaire. La copropriété étant en secteur protégé, l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) a également souhaité que l’on préserve les reliefs et les particularités de l’immeuble. Nous avons dû faire appel à un géomètre et à un notaire pour les problématiques du mur mitoyen et retravailler les propositions avec nos architectes pour que le projet soit accepté. Ce qui a engendré des coûts supplémentaires et a retardé le projet de presque une année ! ».
Retrouvez le témoignage complet de Monsieur Satre-Buisson sur le site de l’ALEC.
Au contraire, à Boulogne-Billancourt, la mobilisation très en amont des copropriétaires de la résidence Pierre de Coubertin sur le sujet architectural a permis de rétablir l’intégrité patrimoniale de cet immeuble résidentiel qui s’inscrit dans la tradition moderne des années 30, particulièrement représentée sur la commune. Dès la phase diagnostic, des recherches dans les archives et des analyses des façades ont permis de mettre à jour un patrimoine insoupçonné masqué sous un enduit issu d’une précédente rénovation.
L’usage de solutions innovantes comme la remise en état du système de chauffage par géothermie autrefois existante et la réalisation d’un enduit de billes d’aérogel très fin combinant performance et respect de l’architecture du bâtiment, ont permis à la copropriété de réduire considérablement ses charges énergétiques, tout en revalorisant un patrimoine emblématique des années 1930.
Retrouvez plus d’informations sur la rénovation de cette copropriété sur la plateformeCoachCoprode Grand Paris Seine Ouest et sur cette vidéo réalisée dans le cadre des trophées métropolitains CoachCopro.
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